De: Younes Ameur Envoyé: mardi 17 septembre 2013 00:13 À: DE GRAAUW Arthur Objet: Re: Portus thapsitanus Cher Arthur, bonsoir, Les planches latérales de la partie inférieure du môle sont en partie visibles de nos jours sous l'eau. Quant à l'accumulation des sables du côté sud, elle est due au vent du sud est qui souffle surtout pendant le printemps et l'hiver. Parfois il est très fort. On l'appelle le vent de "Chlouk". Pour mettre mon texte en PDF sur ton site, c'est ok. Ahmed je le connais, mais on se voit très rarement. En outre je serai très probablement à Marseille en octobre 2013. Bien cordialement, Ameur De : DE GRAAUW Arthur À : Younes Ameur Envoyé le : Lundi 16 septembre 2013 13h50 Objet : RE: Portus thapsitanus Cher Ameur, Gratianopolis va bien. C’était ce week-end la « journée du patrimoine » et nous avons pu visiter la maison natale de Stendhal (on habite dans la même rue !) J’ai aussi passé un peu de temps sur le môle de Thapsus … Je comprends maintenant que les blocs éparpillés sur 65-81 m sont les blocs du môle qui se sont écroulés (et pas du tout un ouvrage de soubassement comme je le pensais avant). J’ai refait tes calculs de volume (et trouvé la même chose !) et la correspondance est forte entre les 131 000 m3 de l’ouvrage submergé actuel et les plus de 100 000 m3 d’un ouvrage supposé de 12 m de large culminant vers +4 m au-dessus du niveau actuel de la mer. En fait, les blocs mentionnés par Yorke (1 x 1.5 x 8 m) correspondent à peu près aux armatures que Lézine mentionne (1.2 x 1.4 x 9 m, cf tes figures 189 et 190). Je comprends donc que la totalité du môle a pu être constitué entièrement de blocs de béton/pouzzolane de ces dimensions posés les uns sur les autres, comme indiqué par Lézine. Concrètement, ils ont dû fabriquer des coffrages en bois avec des rondins horizontaux (dia 20 cm) et des bois carrés verticaux (15 x 17 cm) dans lesquels ils ont coulé le béton (aujourd’hui, on appelle ça des caissons). Les rondins et les bois carrés sont restés en place et on en retrouve aujourd’hui les empreintes, les planches latérales ont dû être récupérées à l’époque de la construction. Des systèmes à base de caissons sont en effet décrits par Vitruve et utilisés ailleurs, sauf qu’à Thapsus on dirait qu’ils ont travaillé par couches successives de 1.2 m de haut. Je pense que les caissons n’avaient pas de fond et qu’ils ne formaient donc qu’une enceinte à poser sur les blocs déjà en place. Ça améliorait la friction entre les blocs. Cette friction n’a cependant pas été suffisante et les blocs ont été poussés par la houle. Thapsus est un endroit très exposé aux tempêtes du Nord et la houle significative peut y atteindre autour de 4 m sur les fonds de 6 m (valable sur env. 500 m de la partie submergée) et il est certain qu’elle est capable de pousser des blocs de cette taille (env. 30 tonnes) pendant les tempêtes. On devrait pour cette raison trouver les blocs plutôt au Sud du môle initial, car les tempêtes viennent du Nord. Ce scénario correspond-t-il à tes observations sur place ? J’ai juste un petit doute sur le volume de l’ouvrage. En effet la profondeur au Sud est inférieure de 1 à 2 m à celle au Nord. Ceci peut indiquer un léger ensablement au Sud. Même si les houles de Sud-Est sont rares est pas très fortes, elles peuvent avoir transporté du sable vers le Nord. Ce sable a ensuite été pris au piège dans la zone protégée de la houle du Nord par le môle et s’est accumulé là pendant près de deux millénaires. Dans ce cas le volume de l’ouvrage devrait être calculé par rapport aux fonds situés au Nord de l’ouvrage … et le volume passe à 176 000 m3. J’avais en son temps fait un petit résumé sur les structures maritimes de Vitruve que tu aimeras peut-être voir : http://www.ancientportsantiques.com/structures-antiques/les-methodes-de-vitruve/ Je te propose de mettre ton texte sur la partie maritime (ta thèse pp 191 à 211, plus figures) en pdf sur mon site, si tu n’y vois pas d’inconvénients. Est-ce-que tu as des contacts avec Ahmed Gadhoum ? Que pense-t-il de Thapsus ? Je serai ravi de lire ton travail sur Mahdia dès que je le recevrai. Merci beaucoup de me le faire parvenir. A bientôt j’espère. Arthur De : Younes Ameur [mailto:ameuryounes@yahoo.fr] Envoyé : vendredi 13 septembre 2013 20:31 À : DE GRAAUW Arthur Objet : Portus thapsitanus Cher Arthur, j'espère que tu vas bien et que Grenoble se porte bien. Cette ville pour laquelle j'ai bcp d'affections. En ce qui concerne la partie submergée du grand môle, j'ai apporté lors de la soutenance du diplôme d'Habilitation à Diriger les Recherches à l'université des Lumières, Lyon2, des rectifications concernant les matériaux de sa construction. En effet après analyses du mortier, il s'agit de la chaux fabriquée à partir des moellons de la croûte villafranchienne qui remonte au quaternaire et qui est abondante dans la région du Sahel tunisien où se trouve Thapsus. Les rondins de bois qui existent de nos jours (je les ai encore aperçu lors de ma dernière plongée cet été à Thapsus) forment une armature de bois permettant de consolider l'ouvrage. Cette technique est conseillée par Vitruve et a été attestée entre autre dans les ports d'Ostie. Quant à la largeur, en l'absence de sondages il est difficile d'apporter une réponse définitive. Toutefois l'hypothèse vraisemblable est qu'elle est la même pour toute la longueur du môle. Comme elle mesure presque 10m pour la partie émergée, il est très probable que la partie submergée avait à l'origine cette largeur. Quand elle s'est écroulée sa largeur s'est agrandie. J'espère qu'un jour nous ferons de sondages dans ce port qui constitue un des grands ports du bassin méditerranéen, dont une partie à tiran d'eau considérable aurait servi pour l'hivernage des bateaux. J'ai publié un travail sur le portus gummitanus (port antique et médiéval de l'actuelle Mahdia), je te l'enverrai. Best regards Ameur